• Il est difficile de qualifier un lieu de « milieu de nulle part » en pleine ville. Pourtant cette expression collait parfaitement à la rue Berqueuil. Ce quartier avait dû être passant autrefois, en témoignaient les nombreuses devantures à la peinture écaillée.

    « C’est un quartier hors du temps » décréta Cassie alors que nous arpentions les rues pavées.

    Puis nous la vîmes. La devanture vert d’eau usée par les ans mais conforme en tout points à la photographie.

    À quelques mètres de la porte d’entrée nous nous figeâmes tous les deux.

    « Toi d’abord, m’intima Cassie.

    - Je ne peux pas. C’est trop fort, je crois que j’ai peur de ce qu’on pourrait trouver ici.

    - La cadavre d’Hannah ? Une porte vers un univers parallèle ? » proposa-t-elle.

     

    Je la sondai pour vérifier si elle était sérieuse ou si elle usait encore d’ironie. Elle même ne semblait pas le savoir.

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  • Lorsque le train ralentit, nous nous levâmes sans nous consulter et sortîmes dès que possible.

    Nous nous trouvions dans une gare ordinaire, celle là même où nous avions prévu de nous rendre.

    Je voulus interroger les autres voyageurs qui descendaient de voiture et dont nous trouvions enfin la trace, mais Cassie me retint.

    Ce voyage était uniquement le nôtre. 

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  • « Tu crois qu’elle avait un but, Hannah, en nous abandonnant comme ça ? m’interrogeai-je.

    Que veux-tu dire ?

    Je ne sais pas… Mais Hannah m’a toujours semblé tenir un rôle. Je sais que c’est stupide, mais si elle même croyait pouvoir influencer le destin ? Si nous n’étions que des pantins à ses yeux ?

    Rien qu'en étant en vie on change perpétuellement le destin. Même si nous étions des marionnettes, échangerais-tu ta vie actuelle pour celle d’avant ? »

    Le flash d’un moi-même passant toutes ses soirées seul dans sa chambre aux murs gris s’imposa à moi.

    « Non, répondis-je.

    Alors est-il vraiment important de savoir si tout cela était un jeu pour elle ? Je sais que si je la retrouve je ne la forcerai pas à formuler des excuses. Elle a changé nos vies en mieux. Je m’attends à tout et je ne regretterai rien. »

    Cassie s’était exprimée sur un ton égal, il émanait d’elle une sérénité surprenante. Elle venait visiblement de passer un cap, passant de la sidération à la renonciation.

     

    Son air détaché me gêna pourtant. Oui, cette sérénité était proche de celle des condamnés sur leur lit de mort.

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  • « Aujourd’hui j’ai compris ce qu’elle voulait dire. Cet air m’a permis de trouver une autre personne pour me montrer le chemin. » dit Cassie en m’arrachant les pensées que je n’avais pas osé formuler à voix haute.

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  • Cassie me regarda dans les yeux comme si elle me considérait vraiment pour la première fois.

     

    « Peut-être. » dit-elle simplement, un éclat dans le regard.

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